mardi 6 novembre 2012

MEDIATOR : Du Storytelling au Panurgisme médiatique


Décidément, l’affaire Mediator est riche en rebondissements et tient ses promesses de devenir un cas d’école pour l’étude des guerres médiatiques qui se livrent pour la conquête de l’opinion.

Les récents développements de l’affaire du Mediator ébranlent les convictions les plus assurées et mettent en porte-à-faux les prises de position pour le moins radicales d’un certains nombres de personnalités politiques (Ministres de la Santé, agences d’état …) et des médias.
« Plus de 85 % des dossiers de victimes présumées du Mediator sont jugés irrecevables par les experts du ministère de la Santé » a révélé Le Parisien.

A ce jour, seulement 20 dossiers d’indemnisation ont fait l’objet d’un avis positif de la part du collège d’experts de l’ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) mandaté par le Ministère de la Santé, tandis que 555, c’est-à-dire l’immense majorité des dossiers pour l’instant examinés, ont été rejetés pour « absence de liens de causalité prouvés » entre les pathologies signalées et la prise de Mediator. En outre, dans les quelques cas où le lien de causalité a été reconnu, l’incapacité retenue est très faible, entre 5 et 10%.

Ces premiers résultats sont très loin de la catastrophe sanitaire annoncée, et jettent un doute sur la réalité de l’affaire et la crédibilité des chiffres avancés au départ (500 à 2000 morts) ; ils posent aussi à terme, la question de la légitimité des poursuites engagées contre Les Laboratoires Servier et des véritables raisons qui les ont motivées.

Face à une situation qui remet en question les prises de parole d’une multitude d’intervenants et qui fragilise leur position « d’accusateurs publics », les réactions ne se sont pas faîtes attendre ; leur examen est riche d’enseignement sur les stratégies médiatiques développées par ces différents acteurs.


Une affaire qui se dégonfle ?

Le faible nombre de dossiers retenus par l’ONIAM met en péril la base même d’une argumentation développée pendant 2 ans dans tous les médias, et considérée comme valide. Le Mediator aurait provoqué de 500 à 2000 morts. Cette argumentation reposait notamment sur les résultats d’études épidémiologiques ayant, à l’époque, largement alimenté le dossier de l’accusation, et dont les projections chiffrées ont été reprises systématiquement par les médias, lors des quelques centaines d’articles édités sur le sujet.

Parallèlement, les objections exprimées sur la validité de la méthode et la crédibilité des chiffres avancés avaient été proprement enterrées par les médias. Or depuis l’annonce du nombre de dossiers retenus par l’ONIAM, on observe dans les articles de presse, une prudente révision à la baisse, du nombre de victimes supposées sur 30 ans (même si il demeure important).

Cette remise en question des chiffres présente un risque majeur pour l’ensemble des acteurs impliqués :
-          Les extrapolations chiffrées du nombre de morts avancées par les épidémiologistes Catherine Hill et Mahmoud Zureik sont sérieusement questionnées.
-          La dramatisation continue et générale de l’affaire par les médias apparaît excessive.
-          Les prises de parole et les décisions de l’ancien Ministre de la Santé, Xavier Bertrand, et de l’ex-Afssaps sont réinterrogées, de même que celles de Gérard Bapt, le président de la Mission d’Information Parlementaire sur le Mediator.
-          Le contenu du rapport de l’IGAS, co-rédigé par Aquilino Morelle, actuelle plume de François Hollande, suscite pour le moins quelques réserves.

La dimension de « scandale sanitaire sans précédent » tend à être invalidée par le faible nombre de dossiers retenus par la commission d’experts indépendante de l’ONIAM, qui apparaît sans rapport avec les projections antérieures (même s’il reste des milliers de dossiers à examiner).

Au-delà des chiffres, c’est l’ensemble du traitement de l’affaire du Mediator dans les médias et les stratégies des différents intervenants qui sont remis en question : une partie de l’affaire semblent en effet relever d’une véritable construction et des techniques manipulatoires du storytelling de façonnage de l’opinion.

Le « panurgisme médiatique », abolissant tout esprit critique et transformant les journalistes en techniciens du copier / coller, construit un terrain plus que propice au développement de ces techniques de marketing et de communication ; l’affaire du Mediator en est un exemple flagrant, comme l’affaire, plus récente de l’étude sur les OGM du Professeur Séralini.

La question de la manipulation de l’opinion, et au premier chef, des medias, est clairement posée : « Mediator : un scandale sur-évalué ? »



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