LE TRAITEMENT MEDAITIQUE DES « SCANDALES »
Plusieurs « affaires » ont récemment défrayé la scène médiatique : l’affaire Bettancourt, l’affaire DSK et le scandale du Mediator. Qu’est-ce qui confère à ces évènements d’actualité judiciaire, leur statut si particulier dans les médias ? Quels sont les ressorts de la véritable fascination qu’ils exercent sur l’opinion publique ?
Chacune de ces « affaires » partagent plusieurs points communs : elles impliquent des personnalités de premier plan, mais surtout elles se constituent comme des évènements que réprouve l’opinion publique ; au-delà de la caractérisation d’un délit, et avant même que celui-ci soit établi et jugé, elles renvoient chacune à la transgression d’un interdit moral qui souligne les rapports ambigus qu’entretient la société française avec les « puissants », détenteurs d’un pouvoir économique ou politique.
Il ne s’agit bien évidemment pas pour nous, d’analyser le fond de ces affaires, dont la vérité judiciaire n’est évidemment pas de notre ressort, mais de nous intéresser à leur traitement médiatique, afin de comprendre ce qu’elles révèlent de notre société, des représentations qui la traversent, de ses valeurs et de ses interdits, mais aussi ce qu’elles mettent au jour du fonctionnement des médias, dans le traitement qu’ils font de ce type d’affaires.
La logique de publication :
Pour chacune de ces affaires, un corpus a été constitué grâce à des outils de veille sur le Net, à l’aide de mots clefs permettant d’aspirer les contenus et de les identifier en fonction des sources (catégorisées par type d’émetteurs).
La publication des articles n’obéit pas à un ordre précis mais relève d’une logique purement pragmatique en fonction des éléments d’analyse disponibles à date. Les articles de fond nécessitant une certaine prise de distance ne seront publiés que dans quelques semaines.
Des 3 affaires traitées, l’affaire « Mediator » étant celle qui continue à générer des contenus massifs, nous commencerons par publier nos premiers articles sur celle-ci avant de mettre en perspective le traitement médiatique dont elle a fait l’objet, en comparatif avec ceux des 2 autres affaires ayant défrayé la chronique ces derniers mois.
LE TRAITEMENT MEDIATIQUE DE L’AFFAIRE « MEDIATOR » : LA QUESTION DE LA MANIPULATION DES CONTENUS SUR LE WEB
Une analyse d’un premier corpus de 15 000 verbatims publiés en 2011 sur l’Affaire « Mediator » ou Affaire « Servier » pose des problèmes et des questions inédites révélés par les premiers traitements de ce corpus rassemblant des contenus issus des Medias « Mainstream », des Blogs et Forums communautaires, des commentaires d’internautes et de Twitter.
Premier constat : une très forte homogénéité lexicale des verbatims issus des médias Mainstream sur le Web :
La redondance des verbatims est particulièrement marquée sur cette affaire : le même communiqué, le même texte est souvent repris par tous les sites (les messages originaux ne représentent que 5 à 15% du volume total des Posts).
Exemple Princeps :
« Destiné aux diabétiques en surpoids, mais largement prescrit comme coupe faim,
le Mediator a causé de 500 à 2000 décès, selon plusieurs études »
Ce phénomène de répétition tend, au cours du temps à associer à l’affaire des représentations particulièrement figées, qui passent d’ailleurs d’un statut d’hypothèse prudente (au conditionnel) à un statut de « fait établi » (affirmation) que souligne la dérive des énoncés sur les 12 derniers mois.
Ce constat appelle plusieurs hypothèses sur les conditions de productions de contenus aboutissant à cette répétition massive :
- Le fonctionnement même de la production de contenus sur le Web procédant par répétition et reprise de contenus issus des médias Mainstream ou des dépêches de l’AFP : un mécanisme de « propagation » qui génère une certaine homogénéité « artificialisante » des contenus.
- Les contraintes de référencement et la compétition entre les medias, par la mise en exergue de mots clefs « taggés » identiques, et qui cristallisent mécaniquement des formules lexicales figées.
- Last but not least, une intentionnalité de certains acteurs ou émetteurs à imposer et répéter un type de message.
Second constat : des robots « Mangas » chargés de propager massivement des messages sur les Laboratoires Servier sur le net.
La dernière hypothèse était a priori la moins plausible ; néanmoins il semblerait, à notre grande surprise qu’elle ne soit pas dénuée de pertinence.
Une analyse diachronique et synchronique des posts rendait compte d’une répétition régulière et pour le moins singulière d’un message posté avec une fréquence d’une fois par jour sur une période de plusieurs mois et à partir de plusieurs comptes.
Le message suivant « Mediator Protelos les laboratoires Servier en plein scandale http://RScDNpMG » a été retweeté 511 fois sur la période, ce qui lui donnait une importance majeure dans le corpus analysé, sans que le libellé ne justifie cette importance. Il renvoyait à un Blog non –off sur lequel un article « à charge » contre les laboratoires Servier et un autre de leur produit, le Protelos, avec une photo du produit mais peu de contenu véritablement documenté.
Ces robots « Mangas » étaient identifiés hiroshigirl, cleamounette, ladyoscar, mylenana, roussiama, gisetta. Ils semblent avoir cessé leur activité de manière inexplicable le mois dernier.
La question de la présence de ces robots et de leur activité semble impliquer une action coordonnée de la part d’un émetteur, visant à incriminer un autre produit des Laboratoires Servier, le Protelos. Si cet émetteur n’est pas identifié, les moyens utilisés sont suffisamment sophistiqués pour qu’il ne s’agisse pas d’un particulier, mais d’un acteur spécialisé de la communication (une agence de communication sur le Web ?) ; ce type d’activité pose bien entendu la question de son commanditaire, opposant des Laboratoires Servier, et qui ne saurait être qu’un acteur privé important (un Laboratoire concurrent ? Un groupe de pression ?), ou une institution publique (un Ministère ? Un organisme public ?) qui aurait eu intérêt à ce que l’affaire du Mediator se prolonge sur une affaire Protelos.
Au-delà de ces hypothèses, qu’il nous est impossible de vérifier, ce cas de manipulation médiatique pose clairement la question de l’objectivité des contenus médiatiques postés sur le web et en particulier, des enjeux et stratégies d’influence qui leur sont associés.
Néanmoins, l’analyse de corpus importants semble d’ores et déjà permettre de révéler les stratégies des acteurs postant des contenus sur un sujet. Nous approfondirons ces aspects dans un prochain article sur les résultats d’une analyse des co présences et co absences lexicales dans les corpus traité.
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